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Le Vannon

Le Vannon

Histoire(s) de la vallée de la Saône et du Vannon


Il y a 80 ans, le 18 juin 1940…des brumes londoniennes parvient un faible appel…

Publié par Jean Pierre VIENNEY sur 9 Juin 2020, 10:22am

L'Exode, gravure de Théophile-Alexander Steinlen réalisée en 1915

L'Exode, gravure de Théophile-Alexander Steinlen réalisée en 1915

“Ceux qui ont entendu l’appel du 18 juin ne l’ont pas compris et ceux qui avaient déjà compris le sens de l’appel ne l’ont pas entendu”.

Sudhir Hazareesingh professeur à Oxford.

 

On ne rigole plus…finie la drôle de guerre !

La France est entrée en guerre contre l’Allemagne le 3 septembre 1939 à 17 heures mais en ce début du mois de mai 1940, malgré les insistants bruits de bottes, aucune offensive n’a encore eu lieu sur le front de l’ouest.

Depuis 8 mois, Les ennemis se regardent en chiens de faïence et dans la presse on parle de “la drôle de guerre”.

A Paris c’est Albert Lebrun qui est le Président de la République depuis 1932. Il a succédé à Paul Doumer assassiné et a été réélu en 1939.

Il est né le 20 août 1871 à Mercy-le-haut (Meurthe-et-Moselle) et a fait de brillantes études à Nancy avant d’entrer à l’Ecole Polytechnique puis à l’Ecole de Mines. Le 16 octobre 1896 il est nommé pour son premier poste d’Ingénieur du Corps des Mines à Vesoul, ville qu’il quitte après quelques années pour rejoindre Nancy.

Il entame une carrière politique très jeune et occupe de nombreuses fonctions électives et ministérielles jusqu’à son élection de Président de la République.  

Depuis le 22 mars 1940, c’est Paul Reynaud qui assure les fonctions de Président du Conseil des Ministres. Il a succédé à Edouard Daladier.

Albert Lebrun

Albert Lebrun

Le troisième personnage de l’État, le Président du Sénat est le très influent Jules Jeanneney.

Né le 6 juillet 1864 à Besançon, il est issu d’une famille d’agriculteurs de Fondremand en Haute-Saône. Son père est commissaire-priseur à Besançon. Jules effectue ses études de droit à Dijon puis à Paris.

Ses parents habitent Rioz et il en devient maire en 1896 puis député de la circonscription de Vesoul en 1902. Radical intransigeant, il est très proche de Clémenceau. Très actif en politique, il s’intéresse à de nombreux dossiers. Il bataille pour la création de l’impôt sur le revenu, il défend le chemin de fer d’intérêt local, le célèbre tacot…etc.

En 1909 il devient sénateur de la Haute-Saône et il restera 35 ans au Sénat !

Personnage politique rompu aux subtils arrangements de la IIIème République comme son ami Alexandre Millerand ; il deviendra Président du Sénat le 3 juin 1932 lorsqu’ Albert Lebrun lui cède cette fonction pour devenir Président de la République.

Jules Jeanneney

Jules Jeanneney

Les quarante jours de la guerre de quarante :

Brusquement, le 10 mai 1940, les troupes allemandes fortes de leurs unités blindées entrent aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg et en France dans les Ardennes.

Le 14 mai le front français, submergé par les chars de la Wehrmacht cède à Sedan.

Le 17 mai le colonel De Gaulle, théoricien de l’utilisation des chars, commande une division de blindés (de type Somua) créée en urgence le 10 mai pour les besoins de la cause.

Il remporte une bataille très secondaire à Montcornet à proximité de Laon. Son compte rendu pour le moins acide, qu’on peut lire dans ses Mémoires de guerre, est édifiant sur l’état de l’armée française de l’époque !

Il y a 80 ans, le 18 juin 1940…des brumes londoniennes parvient un faible appel…

Le 18 mai, Philippe Pétain, héros de 14-18 entre au gouvernement de Paul Reynaud avec le titre de Vice-Président du Conseil.

Le 21 mai, la situation militaire devient catastrophique et le nord de la France est sous contrôle allemand.

Le 28 mai, l’armée belge capitule.

Le 4 juin, les troupes allemandes entrent dans la ville de Dunkerque évacuée de ses soldats français et anglais.

L’extravagant exode :

Les routes du Nord de la France sont encombrées dans un chaos indescriptible par les réfugiés venus de Belgique, des Pays-Bas puis de la région du nord de la France. Les villes sont abandonnées, les commerçants, les médecins, les élus locaux ont disparu les premiers. L’anarchie est générale. La panique et l’affolement ne trouvent de remède que dans la fuite éperdue. Un quart de la population française est sur les routes. C’est la débâcle !

L'Exode, dessin de Steinlen paru dans l'Illustration 1915

L'Exode, dessin de Steinlen paru dans l'Illustration 1915

Le 6 juin, Charles de Gaulle entre par la petite porte au gouvernement. Fraichement promu le 25 mai au grade de général de brigade “à titre provisoire”, il est nommé Sous-Secrétaire d’Etat à la Guerre et à la Défense Nationale.

Le 8 juin, devant l’avancée du front, Paris se vide à son tour de ses habitants accroissant encore la désolante pagaille qui règne un peu partout.

Le 10 juin, c’est le Gouvernement, sans cesser de fustiger les fuyards, qui abandonne lui-même Paris pour se replier sur Tours.

Le 13 juin, Paris, vidé de 90 % de ses citadins est déclarée “Ville Ouverte”.

Le 14 à partir de 7 h 30 la capitale est aux mains des autorités militaires allemandes.

Le gouvernement français quitte Tours, trop facilement accessible, pour Bordeaux.

Le 15 juin dans la soirée, Charles De Gaulle qui est à Rennes pour envisager un “réduit militaire breton” s’embarque pour l’Angleterre à bord du contre torpilleur “le Milan”. Il rencontre Churchill, évoque une éventuelle “Union franco-britannique”.

Le 16 juin : Pendant que les débris de l’armée de l’air française partent s’installer en Afrique du Nord, De Gaulle rentre à Bordeaux exposer son projet mais les ministres concernés n’y croient pas. Pour les dirigeants en place, tout est déjà perdu, c’est le sauve qui peut !

Au gouvernement, le débat est très vif entre les partisans de la capitulation pure et simple, ceux qui souhaitent l’armistice négocié et ceux qui veulent continuer la guerre à partir de l’Afrique du Nord.

Pétain souhaite l’armistice, Edouard Herriot, Président de la Chambre des Députés, et Jules Jeanneney, Président du Sénat, veulent continuer la guerre. Ils exhortent Albert Lebrun de former un gouvernement dans ce sens. Celui-ci tergiverse et refuse.

Dans la soirée, aucun consensus n’étant obtenu, Paul Raynaud démissionne et c’est Philippe Pétain qui le remplace.

Fin de la Blitzkrieg, la guerre éclair a foudroyé la France !

A Vichy, le 10 juillet suivant, ce sera Jules Jeanneney lui-même qui, contraint et forcé par les règles formelles de la procédure, permettra que l’assemblée nationale qu’il préside, entrainée par Pierre Laval, vote les pleins pouvoirs au Maréchal, la disparition de fait de la IIIème République et la mise à l’écart de son Président Albert Lebrun…Mauvaise pioche !

Le 17 juin : Des troupes allemandes atteignent la Loire, d’autres atteignent la frontière suisse en contournant la ligne Maginot. C’en est fini de la guerre, les réfugiés peuvent rentrer !

Vesoul, Pusey et surtout Vaivre subissent depuis deux jours des combats meurtriers. Vaivre a été bombardé le 15 puis incendié le 16. Le tiers du village est détruit.

En pleine panique de l’exode, à Chartres le préfet Jean Moulin s’oppose à des officiers allemands qui lui imposent de signer un texte mettant en cause les troupes françaises. Il refuse, est durement molesté et tente de se suicider. C’est l’acte premier de la résistance.

Le conflit aura duré moins de 40 jours mais il aura fait, pour la seule France, 58 000 soldats tués au combat et 21 000 civils décédés, 123 000 blessés et plus de 2 millions de prisonniers de guerre qui passeront 4 ou 5 ans en Allemagne portant une vareuse affublée des initiales KG pour Kriegsgefangene.

A l’Appel de Bordeaux va répondre l’Appel de Londres :

A midi et demi ce 17 juin, Philippe Pétain, depuis Bordeaux, s’exprime à la radio :

Français !


A l’appel de M. le président de la République, j’assume à partir d’aujourd’hui la direction du gouvernement de la France. Sûr de l’affection de notre admirable armée, qui lutte avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires contre un ennemi supérieur en nombre et en armes, sûr que par sa magnifique résistance elle a rempli son devoir vis-à-vis de nos alliés, sûr de l’appui des anciens combattants que j’ai eu la fierté de commander, sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur.


En ces heures douloureuses, je pense aux malheureux réfugiés, qui, dans un dénuement extrême, sillonnent nos routes. Je leur exprime ma compassion et ma sollicitude. C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat.


Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire depuis Bordeaux pour lui demander s’il est prêt à rechercher avec nous entre soldats, après la lutte et dans l’honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités.


Que tous les Français se groupent autour du gouvernement que je préside pendant ces dures épreuves et fassent taire leur angoisse pour n’écouter que leur foi dans le destin de la patrie.

 

Dans l’après-midi, un avion britannique vient chercher Charles De Gaulle. Il est reçu le soir même à Londres par Winston Churchill.

 

Le 18 juin au soir : En réplique au discours de Pétain, le général de Gaulle, ulcéré par ses propos, lance à la radio anglaise son appel qui deviendra l’acte fondateur de la Résistance Française. Créée avec le soutien britannique, l’organisation de résistance extérieure prendra bientôt le nom de “La France Libre”. L’appel radiophonique sera réitéré plusieurs fois les jours suivants dans des versions légèrement modifiées.

 

Pour De Gaulle, il faut absolument que la réplique au discours de Pétain soit rapide. Peu importe que très peu de français soient en mesure de l’entendre. Ce qui compte c’est qu’elle existe et qu’elle ne tarde pas !

 

Ecoutons :

 

"Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement.
 
Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat.
Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l'ennemi.
 
Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui.
 
Mais le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !
 
Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n'est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.
 
Car la France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l'Angleterre, utiliser sans limites l'immense industrie des Etats-Unis.
 
Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n'est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd'hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.
 
Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi.
 
Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.
 
Demain, comme aujourd'hui, je parlerai à la Radio de Londres."

 

En France, presque personne, ne sait qui est ce général récemment promu. Presque personne ne connait son drôle de nom. Presque personne n’écoute la BBC. Presque personne n’a entendu son appel !

La BBC n’a pas pris la peine d’enregistrer le premier discours. Il n’en existe qu’un manuscrit mais plusieurs versions comportant des passages différents. Certaines corrections ont été suggérées par le ministre britannique de l’information Duff Cooper avec le souci de ménager la susceptibilité du gouvernement français.

De Gaulle, gaulliste, gaullien ou…gaulois ?

 

Un obscur journal du sud de la France, le Petit Provençal a réussi à transcrire le texte écouté à la radio et le publie dans son édition de Marseille du 19 juin. C’est le seul quotidien qui met le scoop à la une!

 

Le nom du général y est écrit avec un seul “L ” comme la Gaule. Faute d’orthographe ou magnifique lapsus plein de promesses ?

 

Dans l’inconscient collectif, De Gaulle serait-t-il perçu comme la réincarnation d’un Vercingétorix unissant les gaulois pour lutter contre l’envahisseur ? 

l'article à la une du Petit Provençal du 19 juin 1940

l'article à la une du Petit Provençal du 19 juin 1940

L’Appel est très peu entendu mais Charles de Gaulle est têtu. Les plus avertis n’en entendent parler que les jours suivants et il faut attendre le 2 août pour que le Tribunal Militaire siégeant à Clermont-Ferrand condamne Charles de Gaulle à mort, et, relayé par la presse française, fasse la plus grande des publicités à l’appel radiophonique londonien.

 

Ce n’est que le 5 août que la célèbre affiche “A TOUS LES FRANÇAIS”, faisant suite au discours, sera placardée dans les rues de Londres.

Elle porte la date symbolique du 18 juin 1940 et comporte pour la première fois le très célèbre sous-titre : “ La France a perdu une bataille ! Mais la France n’a pas perdu la guerre !”

Cette belle phrase en forme de slogan, souvent citée par la suite, n’a jamais été prononcée dans le discours radiodiffusé du 18 juin pas plus, d’ailleurs, que le reste du texte de l’affiche.

Il y a 80 ans, le 18 juin 1940…des brumes londoniennes parvient un faible appel…

La même affiche existe aussi en version bilingue…avec le liseré tricolore inversé ! :

Il y a 80 ans, le 18 juin 1940…des brumes londoniennes parvient un faible appel…

Le 20 juin : la ville de Bordeaux est bombardée afin de souligner sa défaite au gouvernement français.

Le 21 juin : les négociations d’armistice commencent dans la clairière de Rethondes en forêt de Compiègne.

Le 22 juin :   L’armistice franco-allemand est signé dans le wagon et à l’endroit même où, 22 ans plus tôt, avait été signé l’armistice du 11 novembre 1918 !

 

 

Joli mois de mai :

 Il faudra attendre encore cinq longues années pour qu’un autre mois de mai voit la défaite totale de l’Allemagne nazie.

Commencée le 6 juin 1944, une nouvelle bataille va mettre, non sans souffrances pour la population et les villes françaises, l’Allemagne belliqueuse à genoux.

La signature de la capitulation de l’armée allemande aura lieu à Reims le 7 mai 1945.

La ratification de la capitulation sera effective le lendemain, 8 mai 1945 à Berlin.

 

“Joli, joli, joli mois de mai
Même si ça me fait
Quelque chose
Il faut que je sois content
C'est la fête du printemps”.

 

Jean-Pierre VIENNEY pour le 18 juin 2020

 

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