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Le Vannon

Le Vannon

Histoire(s) de la vallée de la Saône et du Vannon


Il éclairait nos lanternes

Publié par Jean Pierre VIENNEY sur 3 Décembre 2024, 15:41pm

Il éclairait nos lanternes

Ecrivain, poète, journaliste, dessinateur, caricaturiste…Pierre-François (dit Albert) Humbert, né à Vesoul, est l'auteur de “La Lanterne de Boquillon” journal satirique à succès créé en 1868. 

La vie, c’est l’espace entre l’acte de naissance et l’acte de décès.

Pierre-François Humbert aurait été capable de cette maxime lui qui est né à Vesoul le 24 février 1835 et décédé à Langres le 10 octobre 1886 à 51 ans.

L’acte de naissance du 24 février 1835 porte la très rare mention marginale : “Décédé à Langres le 10 octobre 1886. Auteur de la Lanterne de Boquillon”

On peut lire qu’il était le fils de Jean Humbert, 32 ans employé au “bureau des messageries” de Vesoul et de Marguerite Poutot, 21 ans, son épouse.

Il éclairait nos lanternes

L’acte de décès (du 10 octobre 1886) :

On lit que Pierre-François, dit Albert est décédé à seulement 51 ans au N°1 de la rue des Jacobins à Langres en étant officiellement connu comme “homme de lettres” sous les prénoms de “Pierre-François, dit Albert.”

C’est son excellent ami Paul Thérion pharmacien à Langres qui déclare le décès.

Il éclairait nos lanternes

Une vie ce sont des dates :

Le 7 juin 1858, il a 23 ans, et se marie à Bussières-lès-Belmont près de Fayl-Billot avec Jeanne Thuillier. Il se déclare comme “employé demeurant à Vesoul”.

Son père était décédé à son domicile de Vesoul le 10 janvier 1848. Il n’avait que 45 ans (et son fils 13 ! ). Il était né le 31 mai 1802 à Ravennefontaine en Haute-Marne (actuellement Val-de-Meuse, entre Langres et Bourbonne-les-Bains). Son acte de décès précise qu’il était alors propriétaire et employé par le fournisseur (des bois) de la marine royale.

Sa mère, absente lors de la cérémonie de mariage, exerçait à Vesoul la profession de marchande de meubles.

 

Le 7 janvier 1860, Le couple a une fille Paule Marie-Louise.

 Albert (ou plutôt Pierre-François) a maintenant 25 ans, il est secrétaire au parquet du procureur et le couple habite au 12 rue Georges Genoux à Vesoul non loin du domicile de sa mère (au 21 de la même rue). Il aurait ensuite exercé divers emplois.

En somme, une vie tranquille et bien rangée de petit bourgeois provincial !

Paule va devenir parisienne très jeune et se mariera le 27 mars 1890 à la mairie du 11ème arrondissement avec François Victor Helme médecin né à Aix les Bains le 22 mai 1858 et décédé à Paris le 8 octobre 1923.

Paule est elle-même décédée à Paris en avril 1922 à 62 ans (enterrée au Père Lachaise) et c’est elle a pris la suite de son père dans la gestion de ses œuvres à partir de 1886.

En 1864-65 on trouve curieusement Albert à Paris, après avoir, dit-on, abandonné l’administration des chemins de fer. Il est auteur d’albums pour enfants publiés par Arnauld De Vresse éditeur de nombreux romans populaires à petit prix.

A cette époque, il illustre des partitions de chansons de café-concert et il commence à collaborer à de nombreux journaux humoristiques très à la mode en cette fin de second empire.

On cite de nombreux titres tous plus éphémères et oubliés les uns que les autres :  Le Bouffon, le Journal amusant, Le Bonnet de coton, La Vie parisienne, Le Hanneton, Le Sifflet, La Parodie, Le Grelot, La Comète, La Calino, Le Monde Comique (dont il est le rédacteur en chef). etc.

Vers 1866-68, on le trouve à L’Eclipse, le journal de François Polo où dessine le célèbre caricaturiste André Gill. La censure s’abat sur le dessin de couverture du 10 mai 1868 œuvre de Gill et c’est Albert Onésime Humbert qui le remplace.

Pour Louis Napoléon, c’est le commencement de la fin :

A cette époque, l’Empire rencontre des difficultés. L’état de santé de Louis Napoléon Bonaparte est préoccupant, une partie de plus en plus importante de la population souhaite son départ et l’instauration d’une république laïque. Ses soutiens traditionnels sentent le vent tourner. L’église elle-même est en crise, le parti gallican, libéral, s’oppose au parti ultramontain soutien du pouvoir papal. On assiste à une lutte sans merci entre les extrémistes de tous poils soutenus par des éditoriaux incendiaires et des dessins de presse caricaturaux. Les affrontements sont partout : Dreyfusards contre antidreyfusards, anticléricaux contre traditionnalistes, républicains contre bonapartistes. Les excès de langage le disputent à des injures parfaitement inacceptables.

Les journalistes et les dessinateurs de presse très engagés relayent sans cesse le propos les plus extrêmes. Chaque jour voit naitre de nouvelles publications qui véhiculent une idéologie toujours plus tranchée et exclusive.

Il éclairait nos lanternes

Même si ses propos semblent moins polémiques que ceux de la plupart des polémistes, Albert Humbert s’attache à décrire les petits travers de la société et à illustrer les grands thèmes qui la traversent : Féminisme, illettrisme des classes défavorisées, mépris du personnel de maison, difficulté à imposer la laïcité…etc.

La une de L’Éclipse du 23 août 1874 Une charge en règle contre le portier (concierge) revêche et vénal

La une de L’Éclipse du 23 août 1874 Une charge en règle contre le portier (concierge) revêche et vénal

Puis arrive mai 68 …1868 bien sûr !

Avant les soixante-huitards, il y avait eu les soixante-huit…tôt !

Avant les soixante-huitards, il y avait eu les soixante-huit…tôt !

Le 30 mai 1868, Henri Rochefort fait paraitre un hebdomadaire satirique illustré de petit format (16 pages de 12 par 17 cm). Ce format pochette, facile à dissimuler pour une publication censurable, et le ton très irrévérencieux voire subversif en cette fin de règne impérial font l’immense succès immédiat de la publication (plus de 100 000 exemplaires vendus dès le premier numéro) même si beaucoup lui reprochent son arrogance parisienne et son mépris affiché pour la France provinciale et rurale.

 

Nota : Henri Rochefort de son vrai nom Victor Henri de Rochefort-Luçay fut un journaliste, polémiste et homme politique important de la troisième république. Il doit son nom à la seigneurie de Rochefort-sur-Nenon près de Dole.

Un des premiers numéros de la Lanterne de Rochefort Prudemment éditée à Bruxelles

Un des premiers numéros de la Lanterne de Rochefort Prudemment éditée à Bruxelles

Une foule de publications vont s’engouffrer dans la tendance à la mode. Peu survivront mais, dès juillet Albert Humbert propose le N° zéro de sa Lanterne de Boquillon dont le N°1 sortira le 28 août 1868.

Pour être précis, il existe quelques précédentes tentatives de parution.

Le réverbère :

Albert l’a titré non sans malice : “Le réverbère de deux sous” et l’a affublé d’une profession de foi qui prétend nous éclairer sur les dessous de l’affaire :

 Avec un gro tas de bo dessin par un habit tant de la campagne mis en ordre par a.Humbert 

On trouve déjà les éléments de la recette qui fera le succès futur : les dessins volontairement très enfantins, l’orthographe pour le moins fantaisiste, les références à la ruralité et au parler comtois des  origines haut-saônoises de l’auteur.

Humbert met en scène un Jérôme Breniquet natif de Pisseloup qui pourrait bien être le prédécesseur d’Onésime Boquillon natif de Purgerot.

Il éclairait nos lanternes
Il éclairait nos lanternes

Le Réverbère par un home de la campane

Moi je suis pas de Paris, je sui de Pisseloup et le preuve s’est que je mapel Jérome Breniquet...

 

Et du Réverbère on passe à la Lanterne…magique non !

Il éclairait nos lanternes

Le premier numéro est daté du 3 août 1868, après 4 numéros, Humbert va céder le titre dès la fin du mois pour lancer une nouvelle publication !

Et cette fois c’est clair… la lanterne sera celle de Boquillon !

Elle paraitra régulièrement jusqu’à la mort d’Humbert. Dès les premiers numéros, le succès est immense.  Le tirage débute à 47 000, il atteint 60 000 en 1870 puis 160 000 en 1878 à l’apogée de la publication.

Le succès est aussi immense qu’inattendu et Il faut admettre qu’ensuite l’intérêt déclinera lentement et le journal ne sera plus que l’ombre de lui-même après la mort du créateur.

Cependant, la publication sera poursuivie tant bien que mal par sa fille et plusieurs successeurs jusque, semble-t-il, en 1926 !!

Si Pierre-François est mort le 10 octobre 1886, Albert et son autre lui-même Onésime a longtemps continué à participer à la rédaction de la Lanterne.

Il est difficile aujourd’hui de savoir exactement qui était l’auteur (ou qui étaient les auteurs) des numéros parus de 1886 à 1926.

 

Il éclairait nos lanternes

J’aprouve tou les affaires qui sont la de dent.

Onésime Boquillon

caporal au 18e batalions de chaceure

Couverture et première page du premier numéro de la Lanterne de Boquillon du 28 août 1868

Couverture et première page du premier numéro de la Lanterne de Boquillon du 28 août 1868

Dans un voyage en Absurdie que je fais lorsque je m’ennuie…

Humbert a eu un coup de génie. Fort de ses origines haut-saônoises il s’adresse à un public provincial et met en scène un jeune soldat naïf, illettré et…laid , Onésime Boquillon, originaire du village de Purgerot un peu perdu dans le Capitale où il est en garnison et qui correspond tendrement avec sa payse Simone pour commenter l’actualité et plus largement les travers de la nature humaine à la lumière d’un anticléricalisme profond, d’un antimilitarisme solide, d’attaques contre le pouvoir et de dérision contre l’ordre moral en colorant le tout de propos souvent absurdes !

Autre idée remarquable, les lettre qu’envoie Onésime Boquillon sont rédigées dans une orthographe phonétique et un langage ahurissant fait de néologismes foisonnants, de tournures sorties en droite ligne du parler comtois et de dessins volontairement malhabiles et naïfs.

Pour parfaire le tout, comme il n’avait trouvé aucun éditeur, Humbert dût, par économie, autographier (sans doute directement sur la pierre lithographique) les 16 pages de chaque édition sans utiliser de système typographique. Le travail était titanesque et rébarbatif mais il lui a permis de mêler facilement le texte et l’image faisant d’Albert un des précurseurs du procédé manuel utilisé ensuite par tous les auteurs de bandes dessinées travaillant artisanalement planche après planche.

Ce procédé n’a pas été pour rien dans l’originalité et le succès de la publication. Peut-être, par sa difficulté de mise en œuvre, a-t-il permis que la lanterne de Boquillon ne soit jamais plagiée !

Albert produit plus de 12 000 planches autographiées et dessinées de 1868 à 1886 sans compter ses caricatures destinées à la presse humoristique et ses romans illustrés souvent édités en cahiers hebdomadaires…Un véritable boulot de galérien !

Une page du N°51 du 2 février 1872

Une page du N°51 du 2 février 1872

Des néologismes lumineux:

Dépatrouillé, Epastrouillant, Tirbouiné, A tire la rigôle,Cepourtan, politiquerie, Bonnatrapisse…

Il éclairait nos lanternes

Des provincialismes éclairants :

Une rabeutlée, Un pauv’mâtin, C’est comme les ceuss qui…, C’est embistrouillant, C’est pas de refus, Niquedouille, Et pis buvez-vou ty ? Pouih ! Pardié !

Il éclairait nos lanternes

Une orthographe étincelante :

Lard de porté la culote par moi Simone (en page intérieure)

C’est moi Simone que je fai la alnterne ce cou ci, passque Onésime il est un peti peu malade pour avoir mangé tro de pain des pisse…

Il éclairait nos lanternes

Mais après le décès, c'est le crépuscule :

Une page du N°1604 du 28 mai 1905

Une page du N°1604 du 28 mai 1905

Il ne reste rien de la verve enfantine des premiers exemplaires. Le dessin est devenu répétitif et on pontifie volontiers à longueur de page sur les débats parlementaires.

Un bestiaire onirique :

Les planches sont agrémentées de deux ou trois dessins de personnages aux attitudes instantanées ou de créatures étranges prémisses du surréalisme poétique.

Il éclairait nos lanternes
Il éclairait nos lanternes
Il éclairait nos lanternes

Les pages (ou plutôt les planches) sont peuplées d’étranges créatures ou de monstrueux insectes que Salvator Dali ne renierait pas !

Lire toute la Lanterne de Boquillon de 1868 à 1886 c’est déchiffrer 12 000 pages autographiées par un dyslexique parfois un peu agaçant et qui fait référence à des évènements oubliés ou des personnages qui n’évoquent plus rien pour nous avec un humour parfois inaccessible. Tâche hors de portée aujourd’hui.

Cependant, en extraire les meilleurs passages, admirer la langue savoureuse et drue, s’extasier devant les inventions les plus folles ou les traits d’esprit les plus incisifs est une authentique jouissance.

Il n’est pas moderne, c’est incontestable mais il n’a pas vieilli c’est certain !

Albert caricaturiste inspiré:

La collaboration avec les journaux satiriques ne cesse pas avec la réalisation de la lanterne. Albert publie en particulier dans l’Éclipse mais aussi chez d’autres éditeurs.

Le 24 mars 1872, il illustre la première page du “Sifflet” avec un dessin anti bonapartiste qui se moque des liquidations nécessaires du fonds de commerce bonapartiste après la fin du régime impérial.

Il déclenche une manifestation sur les boulevards. Des bonapartistes déchirent le journal dans les kiosques !

Il éclairait nos lanternes
Il éclairait nos lanternes

Albert romancier prolifique:

En 1871 : “les aventures de Boquillon” roman naïf mettant en scène un soldat Boquillon un peu perdu dans une société qui le dépasse

Hors texte tiré du roman “Les aventures de Boquillon”

Hors texte tiré du roman “Les aventures de Boquillon”

Il éclairait nos lanternes
Il éclairait nos lanternes

Extrait des Aventures de Boquillon (1871)

 

Purgerot est un village de la Haute-Saône, orné d’une population de 856 habitants y compris les femmes et les enfants, un vrai village où l’on mange des frottées de lard et des écuellées de crème épaisse.

Voici la rue de Purgerot, déserte et pleine de silence.

Des fumiers s’étalent paresseusement devant les maisons et fument au soleil ; à leurs émanations pittoresques se marie agréablement une bonne odeur d’écurie.

Sous les chariots, devant les portes, les poules tiennent des conciliabules.

A de rares intervalles, le passant solitaire trouble seul les canards qui folâtrent dans le ruisseau.

Tout le monde habite des sabots, presque des monuments, -c’est une nécessité ; - et alors on patrouille dans la boue des rues.

A Purgerot les enfants sont abondants.

On ne sait à quoi attribuer cette épidémie qui sévit sur les familles agricoles, mais à la campagne l’intérieur des ménages est agrémenté d’un nombre regrettable d’enfants.

Ceux-ci étalent effrontément ces habits embousés et leur nez tout emmoutardé de crottes.

O nature, que tu es belle ainsi dans ta simplicité ! Que tu es simple dans ta beauté !

Les femmes, elles, dénuées de fard et d’artifice, abandonnent aux caresses des vents leurs formes mâles, et n’ont pas la moindre notion du pantalon de calicot et des bas de coton blanc, rêveries et délices des chercheurs !

Cela enlève-t-il quelque chose à leurs charmes ? C’est une question.

Antinoüs non plus ne portait pas de caleçon ; il n’en est pas moins regardé comme l’idéal du beau, et M. louis Veuillot lui-même porterait des bas de soie rose qu’il ne passerait jamais pour le prototype de la beauté humaine.

 

Antinoüs : jeune homme favori de l’empereur Hadrien.

Louis Veuillot : 1813-1883 journaliste catholique, polémiste, fervent ultramontain évidemment détesté des anticléricaux.

 

En1872 : “L’agenda de Boquillon” est conçu comme une charge anticléricale et antigouvernementale.

 

En 1873 : “Tailleboudin” dont certains disent que le sapeur Camember de Georges Colomb est peut-être le fils spirituel

Le sapeur Tailleboudin

Le sapeur Tailleboudin

En 1874 : “L’art de ne pas payer ses dettes”

En 1877 : “Un jeune homme timide ou les mésaventures de Télémaque”

En 1878 : “La fête de Breluche”

En 1879 : “Excursion au pays des belles-casquettes” charge antimilitariste mais revancharde contre l’annexion allemande de l’Alsace.

En 1880 :  “Les gens de Velleguindry” roman inspiré de la vie quotidienne dans une ville de province…Vesoul peut-être ?

Première de couverture du roman Les Gens de Velleguindry

Première de couverture du roman Les Gens de Velleguindry

En 1880 : “Les tribulations de Poudrevec”

En 1881 : “Les Noces de Coquibus”

Ces œuvres sont actuellement numérisées sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France où l’on peut les consulter :

Gallica.bnf.fr

Albert Humbert n’inventait pas les noms des localités citées dans ses ouvrages. Il utilisait simplement les toponymes de l’ouest de la Haute-Saône et des environs de Vesoul.

Le village de Purgerot, dont les habitants s’appellent d’ailleurs …les bocquillons avec un “C”, est une localité proche de Port-sur-Saône (qu’il orthographiait Por-sur-Saune).

Le village de Velleguindry est à une dizaine de kilomètres de Vesoul.

Pisseloup est un hameau de La-Roche-Morey.

La Montoillotte est une zone humide proche de la commune de Vaivre-et-Montoille à la sortie ouest de Vesoul en direction…de Langres !

C’est Jean de la Fontaine qui utilisait le mot boquillon (sans “C”) comme synonyme de bucheron.

En Franche-Comté, un boquillon était un homme, sorte de vagabond, installé dans une cabane à l’orée des bois vivant de la fabrication de balais faits de brindilles et de fagots souvent utilisés pour l’allumage des feux ou le ramonage des vastes cheminées régionales.

Le verbe “boquer” est un synonyme québécois de “bouder”.

Albert Auteur engagé:

Son théâtre comique compte de nombreuses pièces réunies dans un recueil consultable : Tête de Pioche, Amour et Pharmacie, Le Moine Fatal, Le charcutier, Kirschewasser, la colère d’Achille…

Albert parolier:

Il éclairait nos lanternes
Il éclairait nos lanternes

La bande à Boquillon :

A Paris, les éditeurs, journalistes, dessinateurs, caricaturistes des journaux liés au milieu anarchiste antigouvernemental et anticlérical se connaissent évidemment tous.  Ils constituent une joyeuse bande de fêtards qui se retrouvent régulièrement pour refaire le monde lors de soirées…agitées et bien arrosées au cours desquelles se font et se défont les amitiés indéfectibles ou les rancunes tenaces. Albert fait partie de la bande.

Ah…gill

André Gill est le rédacteur en chef de l’Eclipse, journal qui a souvent eu des démêlés avec la censure. Il est arrivé à plusieurs reprises que Gill demande à Albert à le remplacer pour réaliser le dessin de couverture du journal.

André Gill est également connu pour avoir hébergé Arthur Rimbaud lors de son passage à Paris en février 1871. Ce dernier aurait été impressionné par le style littéraire de A Humbert auquel il fait plusieurs fois référence de manière extrêmement admirative.

Enfin, c’est lui qui crée le cabaret le Lapin agile (lapin à Gill) à Montmartre, haut lieu des nuits parisiennes. 

C'est Gustave Courbet qui, lors de la Commune de Paris, proposera la candidature d'André Gill au poste éphémère de Conservateur du musée du Luxembourg.

 

André Gill

André Gill

Emile Cohl (Emile Courtet 1857-1938) est l’élève et l’ami d’André Gill, on pense que c’est lui qui sera appelé par la fille d’Albert ,après le décès de celui-ci  pour prendre la direction de la lanterne de Boquillon. Georges Coutan (dit Pasquin) prendra également part à l’entreprise.

Emile Cohl est connu pour être l’auteur du premier dessin animé français (voir les films d’animation dans l’article que Wikipédia lui consacre).

Emile Cohl

Emile Cohl

Goudeau n’avait pas le goût d’eau !

Emile Goudeau journaliste et poète, fonde en 1878 le cercle des hydropathes où l’on refait le monde et où l’on boit…énormément ! Alphonse Allais, Charles Cros, Sarah Bernhardt font partie du clan. Lorsqu’ouvre le cabaret le Chat Noir, en 1881, le cercle s’y installe et publie une revue dans laquelle Gill et Humbert publient des caricatures, des illustrations ou des textes.

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Adolphe Willette : Il est un des piliers du cabaret et dessine son enseigne (à ne pas confondre avec la célèbre affiche de Steinlein) :

Il éclairait nos lanternes

Il participera ensuite à un journal satirique “l’Assiette au Beurre” et il est l’auteur d’un texte dont la forme est directement inspirée par “le style Humbert”:

Il éclairait nos lanternes

Lettre ouverte au directeur parue dans le premier numéro de “l’Assiette au Beurre” du 4 avril 1901

Comme le faisait Humbert, le mot “Montmartre” est remplacé par “Montmèrtre” pour souligner l’accent montmartrois.

Charles Couyba (Maurice Boukay 1866-1934) a beaucoup fréquenté le Chat Noir bien après le décès de Humbert mais son style a forcément été influencé comme celui des auteurs et chansonniers de sa génération et des suivantes.

Il éclairait nos lanternes

Un Humbert peut en cacher un autre :

Alphonse Humbert

Alphonse Humbert de retour du bagne de Nouméa caricaturé par André Gill en 1879

Alphonse Humbert de retour du bagne de Nouméa caricaturé par André Gill en 1879

Albert Humbert, ne doit pas être confondu avec Alphonse Humbert bien que tous deux signent leurs œuvres d’un A. Humbert ou même d’A.H. qui entretient l’ambiguïté.

Alphonse Humbert (1844-1922) était son contemporain et partageait avec lui ses opinions anarchistes. Il fut comme lui un ardent défenseur de la Commune de Paris. C’est lui qui est connu pour avoir publié à nouveau en 1871 le Père Duchêne, journal hébertiste de 1790.

 Il fut “transporté ”à Nouméa avec 4250 autres déportés de 1871 à 1879 pour cela. Il y côtoya d’autres célébrités comme Louise Michel ou Henri Rochefort qui fut le seul à s’évader en 1874. Leur amnistie ne fut obtenue qu’en 1880.

 

La lanterne ne s’éteint pas et continue de briller

Albert-Onésime influenceur: 

On en vient à l’influence d’Albert-Onésime Humbert-Boquillon sur les milieux intellectuels et artistiques parisiens de la fin du XIXème et du début du XXème siècle.

Cette influence s’exerce dans deux directions :

-le développement de la presse satirique et des publications humoristiques.

-les milieux intellectuels attirés par le dadaïsme puis le surréalisme adeptes du pastiche et de la mystification.

1) La Bandes Dessinée :

L’Éclipse du 29 mai 1870 présente sous forme d’une véritable bande dessinée le portrait de M.Grenouillet

L’Éclipse du 29 mai 1870 présente sous forme d’une véritable bande dessinée le portrait de M.Grenouillet

2) L’almanach Vermot :

L'almanch Vermot en 2008

L'almanch Vermot en 2008

Joseph Féréol Vermot est né le 8 octobre 1828 au Russey (Doubs).

Le premier numéro de son Almanach parait le 1er Janvier 1886 l'année du décès d'Albert Humbert.

En 2025 paraitra le n°135.

3) La presse satirique :

Le Charivari (1832-1937)

L’Eclipse (1868-1876)

L’assiette au beurre (1901-1912)

Le Canard Enchainé (1915 et le canard est toujours vivant !)

L’Os à moelle (Pierre Dac) 1938-1940 puis 1964-66 et 1970-80)

L’organe officiel des loufoques Pour tout ce qui est contre et contre tout ce qui est pour

L’organe officiel des loufoques Pour tout ce qui est contre et contre tout ce qui est pour

Zéro (1953-1958)

Hara-Kiri (1960-1970)

Charlie Hebdo (1970- toujours pas mort)

 

4) Les mouvements intellectuels parisiens :

Le dadaïsme : Arthur Rimbaud, Guillaume Apollinaire, Marcel Duchamp, Max Ernst, Man Ray…

Le surréalisme : André Breton, Salvator Dali…

La pataphysique : Alfred Jarry, Raymond Queneau…

 

Le re-découvreur:

Celui qui ranime la flamme vacillante

François Caradec

François Caradec

François Caradec (1924-2008) membre de l’Oulipo et du collège de pataphysique. Admirateur d’Alphonse Allais, il est le re découvreur de Georges Colomb dit Christophe et de Pierre-François dit Albert Humbert dont il écrit en 1992: Je n’hésite pas à déclarer publiquement sous la foi du serment : Albert Humbert avait du génie.

 

Albert Onésime Humbert-Boquillon aujourd’hui :

Une série illustrée d’enveloppes destinées à Paul Thérion son ami pharmacien rue de la Coutellerie à Langres est passée en vente publique il y a quelques années (étude Ader).

Les collectionneurs se sont arraché chaque relique pour environ 300 euros

 

Il éclairait nos lanternes
Il éclairait nos lanternes
Il éclairait nos lanternes

Des numéros de la Lanterne de Boquillon ou de diverses autres publications sont en vente régulièrement chez les bouquinistes. Les tarifs sont assez élevés.

Une grande partie des œuvres d’Albert Onésime Humbert-Boquillon est numérisée sur le site de la BNF Gallica qui a publié un fac-similé d’un exemplaire de la Lanterne de Boquillon (en vente sur le site).

Onésime sujet d’études :

Des études lexicologiques très sérieuses ont eu lieu. Elles portent sur l’apport d’Albert Onésime Humbert-Boquillon au français argotique.

Il éclairait nos lanternes

Il a même existé une fève produite en 1999!

 

 

Il éclairait nos lanternes

On y voit Onésime Boquillon brandissant sa lanterne au bras de sa fiancée Simonne

Il éclairait nos lanternes

Albert Humbert en janvier 1876

 

Pierre-François  est décédé un froid matin d’octobre 1886 mais Albert-Onésime continue toujours à nous distraire et nous interroger sur notre monde !

Jean-Pierre Vienney

Novembre 2024

 

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