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Le Vannon

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Histoire(s) de la vallée de la Saône et du Vannon


Le mystère du dodécaèdre bouleté... (3/4)

Publié par Jean Pierre VIENNEY sur 16 Août 2017, 20:33pm

Catégories : #Une villa gallo-romaine

Le dodécaèdre de Besançon est presque identique à celui trouvé dans les ruines de la villa de Membrey.

Le dodécaèdre de Besançon est presque identique à celui trouvé dans les ruines de la villa de Membrey.

On dirait un visage horrifié poussant un cri d'effroi...mais c'est une énigme...Avant d'en parler, continuons a suivre le rapport des fouilles...

Après avoir étudié la structure architecturale de la villa de Membrey, Napoléon Grégoire Matty de Latour donne, dans son petit in 8°, une description des objets trouvés sur place.

Il détaille d'abord une liste d'objets ayant fait partie de l'édifice puis présente une liste de ceux qui n'en faisaient pas partie intégrante. Parmi ceux-ci, une importante quantité de monnaies ont été trouvées. Il est curieux de voir que Matty de Latour les considère comme des médailles à l'effigie de divers empereurs romains.

La parole est à nouveau à Napoléon Grégoire...

1) Objets ayant fait partie de l'édifice.

Parmi les objets trouvés au milieu des décombres et ayant fait partie de l'édifice, l'on voit beaucoup de débris de carreaux de briques, en tuiles plates (tegula) et quelques-uns en tuiles creuses (imbrices), ayant servi probablement au recouvrement des arêtiers de la charpente, comme on le voit souvent de nos jours.

Trois carreaux seulement, pris parmi ceux trouvés isolés ou détachés de l'édifice, ont été trouvés entiers ; ils sont de très grandes dimensions, c'est à dire de l'espèce de ceux appelés tessellata ; deux ont 60 cm au carré et l'aute 46 cm, et leur épaisseur est de 6 cm 1/2 et de 4 cm 1/2. 

D'après les dimensions observées, les autres carreaux, qui offrent trois espèces de grandeur, étaient de 37 cm, 30 et 23 cm (fig. 8) ; deux tuiles plates seulement ont aussi été trouvées entières ; elles ont 45 cm de longueur 33 cm de largeur d'un bout et 31 cm de l'autre, et 3 cm d'épaisseur. Les extremités de ces tuiles sont recourbées de manière à offrir, dans le sens de la longueur, des rebords en saillie de 3 cm sur une de leurs faces (fig. 9).

 

Le mystère du dodécaèdre bouleté... (3/4)

Quelques fragments de colonnes mutilées ont été trouvées (bases, fûts et chapiteaux). la partie inférieure d'une colonne est encore en place dans l'angle d'une chambre (celle N° 19) ; la base carrée a été arrondie vers deux de ses angles pour entrer dans celui de la chambre, de manière que le côté opposé de cette base fît face au milieu de l'angle.

 La pierre de ces colonnes est blanche, très tendre ; pour quelques-unes elle est d'un grain assez gros, et pour d'autres très fin ; elle est connue dans le pays sosu le nom de vergenne (fig. 10). 

Note: la pierre dite "vergenne" est un calcaire oolythique de couleur crème, fin et tendre utilisé dans de nombreux édiifices romains en Franche-Comté. la Porte Noire à Besançon, arc de triomphe de Marc Aurèle, est réalisée dans cette pierre isssue de carrières installées en Haute-Saône à assez faible distance de Membrey, vers Avrigney et Charcenne.

Le mystère du dodécaèdre bouleté... (3/4)

Nous allons citer les objets sur lesquels l'attention peut se porter plus particulièrement:

1) L'on a remarqué de gros morceaux d'un ciment fort dur formé de mortier et de briques pilées. Quelques-uns possèdent encore les débris des grands carreaux qui formaient leur surface de revêtement. L'état de conservation du pavé de quelques chambres, la nature et l'épaisseur observées de celui de plusieurs autres où il est détruit en partie, doit faire penser que ces morceaux de ciment n'en proviennent pas.

Ils ne peuvent donc provenir que des parties supérieures de l'édifice, c'est-à-dire du plafond des chambres découvertes ou planchers de celles supérieures, car les pavés des étages se faisaient à peu près comme ceux des rez-de-chaussée, c'est-à-dire qu'on y distinguait aussi les quatre couches statumen, rudus, nucleus et summa crusta ; de sorte que les planchers (coaxationes) formés de l'espèce de chêne que les Romains appelaient esculus, avaient à supporter un poids considérable. Les murs de la grande mosaïque sont si épais qu'ils devaient servir à supporter une voûte.

L'un de ces morceaux de ciment a été trouvé dans la chambre basse du troisième corps de bâtiment, où aboutit le canal en briques voûté (N° 60).

2) L'on voit encore, épars en divert endroits, des fragments de tuyaux en terre cuite à section rectangulaire, semblables à ceux dont nous avons déjà eu l'occasion de parler (Fig. 7).

3) Quelques tuyaux ronds en terre cuite, d'un diamètre intérieur de 9 cm, ont aussi été trouvés ; ils devaient servir à conduire les eaux, et peut-être étaient placés dans le grand aqueduc souterrain dont on a découvert une partie et dans celui du portique. L'extrémité d'un tuyau entrait dans celle du tuyau voisin, de telle manière que la pénétration s'opérait au moyen d'une égale réduction de l'épaisseur, faite extérieurement pour l'un et intérieurement pour l'autre. (Fig. 11).

4) L'on a aussi trouvé des débris de tuyaux en plomb.

5) Nous citerons encore un morceau de cuivre ouvragé, qui aurait pu servir, étant fixé sur une porte, à la tirer à soi pour la fermer, mais qui paraît, avec plus de probabilité, avoir été la tête d'un robinet de bain.

2) Objets trouvés n'ayant pas fait partie de l'édifice.

Une assez grande quantité d'objets, qui n'ont pas fait partie de l'édifice, tels que petits meubles, instruments, etc.., ont été trouvés parmi les décombres.

1) Médailles.

L'on doit citer en première ligne 317 médailles des empereurs romains ; la plupart sont entièrement frustes ; quelques-unes sont à peine lisibles, étant recouvertes surabondamment du vernis antique. 37 médailles, grand bronze, bronze moyen et petit bronze, ont été trouvées isolément ou deux à deux parmi les décombres, et 280, toutes petites, dans le fond d'un fragment de pot. 

Ce fragment était la partie inférieure d'un pot, cassé anciennement ; toutes sont en cuivre, à l'exception de 5 en argent, qui étaient enveloppées dans un linge bien conservé, dont 3 de Probius et 2 d'Aurelianus. 

La plus ancienne (trouvée dans les déblais) est de Tibère mort en 37 ; et celle qui l'est le moins (trouvée dans le petit pot), est de Constantin, mort en 337.

Les médailles les plus communes sont des empereurs Galère, Tetricus, père et fils, et Claude Second ; les mieux conservées, des empereurs Antonin, Probus et Aurelianus.

Un classement des médailles a été fait par M. le curé de Lavoncourt, il nous a été communiqué par M. le maire de Membrey, chez qui elles sont déposées, ainsi que tous les objets trouvés. 

Les 37 qui ont été trouvées isolées au milieu des décombres, appartiennent aux empereurs romains ci-dessous désignés:

2 de Tibère mort en 37

2 de Vespasien mort en 79

2 de Trajan mort en 117

2 de Sabine (Julia) morte en 138

5 d'Adrien mort en 138

4 de Faustine mère morte en 141

5 d'Antonin mort en 161

4 de Faustine la jeune morte en 175

4 de Marc Aurèle mort en 180

1 de Lucilla morte en 184

1 de Septime Sevère mort en 211

1 de Julia Domna morte en 217

1 de Maximin mort el 238

1 de philippe Marc-Jules mort en 249

et deux inconnues.

Quant aux autres médailles, au nombre de 280, trouvées dans un pot, elles appartennent aux empereurs suivants:

Tribonianus Gallus mort en 253

Cassius Posthumius mort en 267

Galère Maximien mort en 269

Claude second mort en 270

Tericus mort en 274

Aurelianus mort en 275

Probus mort en 282

Constantin le Grand mort en 337.

Parmi les autres objets, nous citerons les suivants:

Le mystère du dodécaèdre bouleté... (3/4)

2) Style.

Un style pour écrire sur des tablettes de cire (tabulae ceratae). Cet instrument est en cuivre ; l'extrémité opposée à la pointe est large et plate ; c'est le côté dont on se servait pour effacer les parties écrites, ce que les Romains appelaient stylum vertere (Fig. 12).

3) Cuillère.

Une petite cuillère en argent (coctheare), d'environ 15 cm de longueur ; elle est terminée en pointe à l'une des extrémités, et l'on peut croire qu'elle entrait dans un manche ; une torsion qu'on remarque a dû avoir pour but de l'y fixer plus solidement (Fig. 13).

4) Une pince.

Une pince d'environ 12 cm de longueur (Fig. 14), pour arracher les poils, terminée à l'extrémité opposée par un cure oreilles, semblable à celles que l'on fait de nos jours, auxquelles on donne seulement moins de longueur. C'était un de ces petits instruments en usage dans les bains et destinés à épiler, que les Romains appelaient volsellae.

Dans des peintures de bains anciens, l'on voit un homme dans la baignoire avec deux jeunes garçons qui lui râclent et lui frottent le corps avec le strigilis, et lui arrachent le poil avec un certain instrument. Montfaucon rapporte que Jules César, attentif aux soins de son corps jusqu'à l'excès, voulait, non seulement qu'on y portât les ciseaux et le rasoir, mais aussi qu'on arrachât le poil blanc avec des pincettes.

5) Sonnettes.

Trois sonnettes en bronze (tintinabula); elles sont privées du petit marteau intérieur et leur section n'est pas celle d'un cercle, mais d'un rectangle ; elles ressemblent à celles qu'on attache, dans certaines parties de la France, au cou des mulets et des boeufs. 

Les anciens s'en servaient pour le même objet, et souvent aussi, comme nous, ils les fixaient aux portes ; c'est sans doute l'usage auquel elles étaient ici employées (Fig. 15).

Le mystère du dodécaèdre bouleté... (3/4)

6) Un anneau.

En cuivre de la forme la plus simple.

7) Une petite clef très simple aussi.

Son tuyau n'est pas foré ; les fouilles n'ont fait découvrir qu'un fragment de serrure, l'on sait que les serrures antiques sont fort rares, tandis que les clefs ont été trouvées en grand nombre.

8) Un petit corps en plomb régulier.

Pesant environ 1 kg 1/2, mais privé de tout signe qui pourrait faire croire qu'il a servi de mesure. Nous pensons qu'il a dû être employé comme contre-poids dans un mécanisme.

9) Un plat creux en cuivre.

De 13 cm de diamètre (Fig. 16).

 

Le mystère du dodécaèdre bouleté... (3/4)

10) Un petit objet fort curieux.

Et qui a la forme d'un dodécaèdre régulier de 3 cm de côté. Les pentagones en plaques de cuivre qui composent ce corps creux, sont percés de trous qu'il semble qu'on a eu l'intention de faire égaux deux à deux, sans que l'on distingue aucun ordre dans leur arrangement.

Les diamètres de ces trous ayant été mesuré aussi exactement que possible, ont été trouvés de 2.8 cm, 2,7 cm, 2.3 cm, 2,5 cm, 1,8 cm, 1,3 cm, 2,7 cm, 2,0 cm, 2,3 cm, 2,0 cm, 1,2 cm et 1,7 cm. Ils sont obtenus en descendant à partir du plus gros trou, mis à la partie supérieure, jusqu'à celui du dessous, en tournant.

Enfin chaque angle solide est muni de petits pieds terminés sphériquement, qui permettent au corps jeté sur une table de prendre une quelconque des douze principales positions qu'on peut obtenir en mettant chaque face à la partie inférieure (Fig. 17).

Ne peut-on pas considérer ce corps comme une espèce de dé qu'on jetait sur une surface chargée de points, de manière que le joueur qui amenait le trou inférieur le plus grand, c'est à dire le plus grand nombre de points, était celui qui gagnait le coup?

Le dodécaèdre bouleté va-t-il livrer ses secrets?...a suivre!

Le dodécaèdre bouleté va-t-il livrer ses secrets?...a suivre!

11) Flacon en terre cuite.

Il nous paraît appartenir à la classe des vases qu'on appelait anciennement guttus parce que le goulot était assez étroit pour que la liqueur n'en sortît presque que goutte à goutte ; nous pensons qu'il a pu contenir des parfums (Fig. 18).

 

Le mystère du dodécaèdre bouleté... (3/4)

12) Des fragments de vases en terre cuite.

Sur l'un on voit les lettres BRVSSVS, qui faisaient partie d'une inscription mise extérieurement (Fig. 19). Sur un autre de ces fragments, qui a été le fond d'un pot, l'on voit cette inscription, qui est à l'intérieur, ITVS FECIT ; le premier mot est très lisible, mais le deuxième l'est beaucoup moins.

 

Le mystère du dodécaèdre bouleté... (3/4)

13) Morceaux de verre.

Des morceaux de verre fort épais et lamelleux.

Il est très regrettable qu'on ne puisse dire avec certitude, vu leur petitesse, qu'ils ont appartenu à des vitres. On sait, en effet, que l'emploi du verre pour les vases, les tasses et les gobelets, était en usage depuis longtemps, que l'on ne se servait pas encore de vitres, et que la découverte de celles-ci est assez incertaine.

La pierre transparente qui précéda l'emploi du verre pour les fenêtres, ne fût même trouvée que du temps de Senèque (avant l'an 65) ; on l'appelait speculare ; c'est celle mentionnée dans la description que Pline a donnée de sa maison de campagne et employée par Néron dans la construction du temple bâti dans sa maison dorée, et où l'on voyait clair en plein jour sans qu'il y eut aucune fenêtre.

14) Meule en granit.

Une meule à bras en granit bleu et noir de 48 cm de diamètre ; la première pierre est concave au-dessus et la partie inférieure qui s'appliquait sur la pierre du dessous, convexe à cet effet.

On voit dans les deux pierres le trou qui marque la place de l'axe en fer qui était fixé dans la pierre du dessous et la réunissait à celle du dessus ; sur le côté de celle-ci, on remarque aussi en saillie, sur un cercle en fer qui l'enveloppe, la place du manche qui servait à lui donner un mouvement de rotation. 

Enfin, l'on voit, à la surface supérieure de la pierre du dessus, une cavité dirigée vers l'axe et se continuant sur sa surface inférieure ; on y mettait le grain qui se rendait ainsi sur la surface de contact des deux pierres où il était broyé (Fig 20).

Le mystère du dodécaèdre bouleté... (3/4)

15) Ferrements divers.

Enfin, parmi les ferrements nombreux qu'on a trouvés, on distingue:

-une crémaillère

-des chaines

-des lames de couteaux et de coutelas

-des faulx

-des têtes de marteaux

-des clous de toutes dimensions

-le fer de l'extrémité d'une flèche

-et des ferrements de voiture.

 

Napoléon Grégoire Matty de Latour termine ainsi, assez brutalement il faut le dire, l'inventaire des objets trouvés lors des fouilles de 1838-41.

Il nous reste à nous attarder sur le cas de ce qu'il nomme lui même "le dodécaèdre romain".

Aujourd'hui, 76 dodécaèdres bouletés d'origine celto-romaine sont recensés en Europe sur une centaine déclarés trouvés. Ils ont tous été découverts dans un espace bien délimité qui correspond au territoire celtique du nord des Alpes.

Les musées belges possèdent 3 pièces, les Pays Bas, 3 également, les allemands 18, les français 30, la Hongrie un seul, l'Autriche un également, la Grande Bretagne 11 et une pièce a été découverte près de Zagreb.

On continue à se perdre en conjectures sur l'usage ou l'intérêt de cet objet. S'agit il d'un objet divinatoire, d'une sorte de dé pour jeu de hasard comme l'a pensé Matty de Latour, d'un moyen de calcul ou de visée géodésique ou topographique ?

Certains ont même essayé de s'en servir comme d'un "tricotin" destiné à fabriquer, grâce à ses cinq orifices différents... des gants de laine ! On voit que tout est possible.

Pour l'heure et dans l'état actuel des recherches archéologiques, technologiques et historico-culturelles, il est impossible de privilégier l'une ou l'autre de ces hypothèses.

La fonction du dodécaèdre bouleté celto-romain reste, pour l'heure, un mystère !!

Celui-ci nous gratifie d'un clin d'oeil complice

Celui-ci nous gratifie d'un clin d'oeil complice

Cet autre s'expose au musée de Saint Germain en Laye

Cet autre s'expose au musée de Saint Germain en Laye

Et pour en savoir plus il reste la lumière de l'Université de Lyon 2 !! 

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P
Une intéressante hypothèse sur l'utilisation de ces dodécaèdres romains !<br /> https://www.gralienreport.com/ancient-mysteries-2/man-solved-roman-dodecahedron-mystery/
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