Vous avez toujours voulu savoir…
Combien de villages portent le nom de Dampierre ?
D’où vient le nom de Dampierre ?
Pourquoi y a-t-il un coq sur le clocher de l’église ?
Quelle est l’origine du nom de la rivière Salon ?
Tout le monde, enfin, tous les habitants de Dampierre-sur-Salon et de ses environs, tout le monde donc, s’est déjà posé l’une ou l’autre de ces questions.
Essayons modestement d’apporter des réponses.
Première question : Combien de Dampierre en France ?
Dans tout le pays il y a officiellement 31 communes qui portent le nom de Dampierre. Certaines ont changé de nom au cours de l’histoire, certaines ont fusionné avec d’autres communes ou ont été rattachées avec leurs voisines ce qui complique un peu les comptes.
J’ai établi une liste des communes qui portent le nom de Dampierre. Cette liste est regroupée par régions ; c’est la suivante :
Région Bourgogne -Franche-Comté :
Dampierre fusionnée en 2018 avec Le Petit-Mercey, Jura
Dampierre-en-Montagne, Côte-d‘Or
Dampierre-et-Flée, Côte-d’Or
Dampierre-les-Bois, Doubs
Dampierre-sur-le-Doubs, Doubs
Dampierre-sous-Bouhy, Nièvre
Dampierre-sur-Linotte (autrefois Dampierre-lès-Montbozon), Haute-Saône
Dampierre-les-Conflans, Haute-Saône
Dampierre-sur-Salon, Haute-Saône
Dampierre-en-Bresse, Saône-et-Loire
Région Centre Val-de-Loire :
Dampierre-en-Crot dans le Cher
Dampierre-en-Graçay, Cher
Dampierre-en-Lignières (rattachée à Chezal-Benoît), Cher
Dampierre-sous-Brou, Eure-et-Loir
Dampierre-sur-Avre, Eure-et-Loir
Dampierre-sur-Blévy, Eure-et-Loir (rattachée à Millebois)
Dampierre (rattaché à Gargilesse), Indre
Dampierre-en-Burly, Loiret
Région Grand-Est :
Dampierre dans l’Aube
Dampierre-au-Temple, Marne
Dampierre-le-Château (Dampierre-sur-Yèvre sous la Révolution à côté du moulin de Valmy), Marne
Dampierre-sur-Auve, Marne (fusionnée en Dommartin-Dampierre)
Dampierre-sur-Moivre, Marne
Dampierre (fusionné dans Val-de-Gris), Haute-Marne
Région Normandie :
Dampierre (fusionnée dans Val-de-Drôme) dans le Calvados
Dampierre-en-Bray, Seine-Maritime
Dampierre-Saint-Nicolas, Seine-Maritime
Région Nouvelle Aquitaine :
Dampierre-sur-Boutonne en Charente-Maritime
Région Ile-de-France :
Dampierre-en-Yvelines dans les Yvelines
Région Hauts-de-France :
Dampierre-les-Dunes (nom révolutionnaire de Saint-Pierre-lès-Calais) dans le Pas-de-Calais
Région Pays de la Loire :
Dampierre-sur-Loire (rattachée à Saumur) en Maine-et-Loire.
Et maintenant, quel rapport avec le français :
Si l’on reporte ces toponymes (noms de lieux) sur une carte, on constate facilement que les “Dampierre” sont répartis sur l’aire de développement de la langue d’oïl, langue romane de la France du nord, dont la grammaire a commencé à s’élaborer au cours de la période carolingienne.
Les plus anciens textes rédigés en langue d’oïl datent du milieu du IXème siècle et concernent les héritiers de Charlemagne. Le 14 février 842, Charles II Le Chauve et Louis le Germanique se font, à Strasbourg, le serment de s’unir pour lutter contre leur frère Lothaire. Cet acte est le premier connu à ne plus être rédigé en latin mais dans une langue nouvelle qui se construit à partir du celte des gaulois, du francique de l’aristocratie franque mérovingienne et du latin.
C’est cette langue qui deviendra progressivement notre français actuel.
La date de naissance officielle de langue française est le 14 février 842 !
Beaucoup de villages vont, à partir du IXème siècle, exprimer leur nom dans cette nouvelle langue. C’est le cas des Dampierre.
Deuxième question : D’où vient le nom de Dampierre ?
L’orthographe des noms de lieux a beaucoup varié. On a parfois trouvé des Damptpierre, Donnipétra, Dampétra, Dongna Pétra, Donna Pétra…
Aujourd’hui, les règles orthographiques sont stabilisées et l’on connait 25 Dompierre à côté de la trentaine de Dampierre.
Ces toponymes sont tous liés au développement du christianisme et à la construction d’abbayes de prieurés ou d’autres édifices religieux et, évidemment, à leur dédicace à saint Pierre.
Savez-vous que Dampierre est un hagiotoponyme caché ?
Les toponymes d’origine religieuse (appelés par les linguistes hagiotoponymes) sont extrêmement fréquents en France (environ 30% des noms de lieux). La langue vernaculaire (le langage local courant) ne rend pas toujours leur repérage aisé. Les spécialistes parlent entre eux “d’hagiotoponymes cachés”, ce qui n’éclaire pas beaucoup nos pauvres lanternes !
C’est le cas pour Dampierre (ou Dompierre) qu’il n’est pas évident, au premier abord, de rattacher à une origine religieuse.
Expliquons-nous sur l’origine des deux syllabes “dam ou dom” et “pierre”.
1-Dans Dampierre in y a “Dam” :
Cette première syllabe vient de dominus ou domnus qui est une marque de déférence, un titre que l’on donne par respect à un supérieur, un guide, à celui qui influence, qui dirige, en fait à celui qui domine.
Dominus peut se traduire par “Maître”.
Dans de nombreux toponymes, Dominus est utilisé comme un synonyme de Saint.
Saint a, pour sa part, le sens de vénérable ou plutôt vénéré.
Comme on l’a vu sur la carte, Dom (de dominus) est surtout employé dans les toponymes en langue d’oïl dans une petite moitié nord de la France et le mot Saint (de sanctus) en langue d’oc au sud du pays.
Désolé, il n’y a pas Dim Dam Dom !
Mais par exemple :
Saint-Pierre-de-Vassols est une ville du Vaucluse, Dampierre-sur-Salon un très agréable bourg de Haute-Saône et Domrémy-la-Pucelle un village des Vosges !
Et pour illustrer ce qu’est un hagiotoponyme caché, le village de Saint-Pierre-lès-Calais a vu son nom occulté en Dampierre-les-Dunes pendant l’époque révolutionnaire sans toutefois voir sa signification changer !
Les révolutionnaires savaient-t-ils que Dampierre a le même sens que Saint-Pierre ?
2-Dans Dampierre il y a “Pierre” :
Simon, fils de Jonas, parfois écrit Symon était un proche disciple et compagnon de Jésus, l’un des douze apôtres, apprécié pour son solide engagement et sa fidélité sans faille.
Christ lui aurait donné le surnom affectueux et flatteur de “roc ”. Simon aurait donc été appelé “Simon-le-Roc” plus souvent nommé dans les écrits bibliques : “Simon-Pierre”.
Mathieu, qui ne manquait pas d’humour et n’hésitait jamais devant un jeu de mots dans son évangile, fait parler Jésus :
“Pierre, tu es un roc (en grec pétros) et sur cette pierre (en grec pétra) je bâtirai mon assemblée (en grec ekklésia qui donnera le mot “église” en français) et les portes de l’Hadès ne tiendront pas contre elle”.
Pétri de fidélité, Pétros serait donc Pétra !
En Amérique anglophone, “le Roc” a pris la forme du sobriquet “Rocky”. Il évoque l’image du costaud, de la montagne de muscles, dur comme la pierre en somme !
Le culte de saint Pierre s’est développé à l’époque carolingienne (entre 800 et 1000). Il s’agissait à l’époque de construire de nombreux édifices prouvant la vitalité de la foi des chrétiens. Les bâtisseurs d’abbayes et d’églises n’ont jamais cessé d’empiler pierre sur pierre afin de dédier leurs magnifiques œuvres de pierres …à Pierre !
Il est probable que les nombreux toponymes de ces lieux de dévotion datent, pour l’essentiel, de cette époque.
Donc, Dominus Pétros ou Petrus a le sens de “Maître Pierre” et Saint Pierre peut se dire “Roc Vénéré”… ou, si l’on ose, : “Vénérable Rocky” !
Troisième question : Pourquoi y a -t-il un coq en haut du clocher de l’église ?
Presque tous les bâtisseurs d’églises ont surmonté leur clocher d’un coq. Il symbolise le “reniement” de Saint Pierre.
Mathieu, encore lui, raconte que, par trois fois, la nuit précédant la Passion, Simon dit Pierre a assuré qu’il ne connaissait pas le Christ… Et Pierre se souvint de la parole que Jésus avait dite : “Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois”.
Le clocher de Dampierre est coiffé d’un toit curieux mais qui est orné d’un magnifique coq pour rappeler à chacun l’attitude, avouons-le, pleine de lâcheté qu’a eue Simon-Pierre lors de la nuit précédant la passion.
L’actuelle église de Dampierre-sur-Salon a été construite sur l’emplacement d’une ancienne chapelle prieurale dont il ne restait sans doute pas pierre sur pierre. Elle était à l’évidence, déjà dédiée… à Saint Pierre !
En France, il y a 30 villes ou villages nommés “Dampierre” et 160 ont préféré prendre le nom de “Saint-Pierre” mais un seul est…Sur-Salon !
Et enfin quatrième question : D’où vient le nom du Salon :
Il n’y a que les mauvaises langues qui imaginent la petite cité très industrieuse de Dampierre vautrée sur son canapé.
Non, le Salon, n’a jamais rien eu à voir avec les éléments de mobilier qui permettent de somnoler devant sa télé en ingurgitant des montagnes de chips.
Si le Salon voit couler beaucoup d’eau, il a aussi fait couler beaucoup d’encre chez les spécialistes d’onomastique (la branche de la linguistique qui étudie l’origine et l’évolution des noms propres).
La carte de Cassini, dessinée vers 1830, orthographie le nom du village : Dampierre Sur Saolon (sans traits d’union).
Certains, ensuite, ont pris la liberté d’écrire : Dampierre-sur-Saôlon, peut-être pour mettre en évidence une proximité orthographique avec la Saône.
Passons en revue quelques hypothèses linguistiques concernant les origines possibles du nom de la rivière Salon :
Le sel :
Si de nombreux sites de Franche-Comté doivent l’origine de leur nom au sel qu’on y exploitait (Saulnot, Salins, Lons-le-Saunier), rien ne dit que la vallée du Salon ait été liée directement à l’extraction du sel et à sa transformation.
Une partie de la fortune des familles de Vergy seigneurs de Champlitte et de Fouvent, était due aux intérêts qu’ils avaient dans l’exploitation du sel du Jura mais ce fait ne prouve rien.
Que le nom du Salon vienne du sel est douteux.
La Saône :
La plupart des experts en hydronymie s’accordent pour dire que Saône vient de deux mots-racines celtes :
1-Sag ou Sawk ou encore Sauc qui se traduit par sacré (et en est d’ailleurs phonétiquement proche).
Certains pensent que sag ou sauc aurait plutôt le sens de source (autre proximité phonétique).
Rien ne nous empêche d’ailleurs de penser qu’une source peut facilement être considérée comme un endroit sacré.
2-Onna ou onno qui se traduit suivant les auteurs par cours d’eau ou fleuve ou rivière ou encore eau.
Pour ma part je pencherais plutôt pour onde (toujours en raison de la parenté phonétique).
Rien ne prouve que l’origine celte du nom de la Saône s’applique également au Salon même si on l’a parfois écrit Saôlon.
Le saule :
Le Salon est une rivière favorable au développement des saules qui poussent dans les alluvions des bords de cours d’eau. La production d’osier a toujours été importante dans la vallée. Le mot “saule” vient de “salix” lui-même issu du vieux francique “salha”.
Dans certaines contrées, une oseraie se dit saligue.
Le Salon serait donc “la rivière des saules”.
Cette hypothèse est plausible.
Le marais :
Dans le département voisin de la Côte-d’Or, deux villages portent le nom de “Saulon” : Saulon-la-Chapelle et Saulon-la-Rue. Leurs noms ont pour origine supposée le terme “sala” qui veut dire “lieu marécageux”.
Le mot sagne ou saigne désigne des marais couverts de joncs.
On a même trouvé dans des actes de justice de la fin du XVème siècle le mot Saône orthographié Sagne !
Le Salon pourrait faire partie de cette famille… peu appétissante avouons-le !
Extrait de la carte de Cassini des environs de Dampierre établie vers 1830.
On aperçoit le mot Salon orthographié “Saolon”
Deux moulins sont cités :le moulin de la Charme et à proximité d’Autet le moulin de Basset
Encore des mots, toujours des mots, les mêmes mots
Je ne sais plus comment te dire
Rien que des mots…
…Des mots faciles, des mots fragiles, c’était trop beau.
Jean-Pierre Vienney
Février 2022